Droit fondamental des parents, des enfants, à un logement suffisant, à la dignité humaine…
Accusé à tort, Michel ne reverra jamais plus ses cinq enfants
BRUXELLES La vie n'a pas fait de cadeau à Michel Willekens, un divorcé de 64 ans, père de cinq enfants, trois filles et deux garçons de 23 à 41 ans, qu'il n'a plus revus depuis Noël 1993. Willekens vit l'enfer depuis 14 ans, de vivre sans les siens.
Un enfer qu'il décrit en disant qu'il lui a fallu beaucoup souffrir pour dépasser le stade où cela fait mal. À force d'avoir mal, vient le moment où vous ne sentez plus rien.
Michel Willekens n'a plus l'espoir du tout de revoir ses enfants. La Belgique est un mouchoir de poche.
Les cinq vivent peut-être à deux pas de chez lui. Il les croise, peut-être sans le savoir. Terribles mots d'un père coupé des siens : "Ils ont dû tellement changer : je ne les reconnaîtrais même pas".
Willekens fait partie de ces pères qui, dans un divorce, ont été accusés du pire, d'avoir été violent et d'avoir eu des gestes déplacés. Les yeux dans les yeux, Michel Willekens promet que c'est faux. La justice ne l'a jamais inquiété, poursuivi, inculpé, jugé, condamné. Michel n'a même jamais été interrogé : dans un divorce, tous les coups étaient permis.
Ce désastreux jour de Noël 1993, Willekens voyait ses cinq enfants pour la dernière fois. Le mal était fait, la coupure définitive. Marié durant 28 ans, Willekens était expulsé, jeté à la rue avec deux valises de vêtements. Willekens a galéré. Il a connu la faim, le froid. SDF, il s'est battu pour remonter la pente.
Aujourd'hui, Michel a même retrouvé un toit. De le voir, l'air very british sous sa casquette, fait chaud au coeur : il est intarissable sur ses enfants.
L'aîné, fait-il, doit avoir 41 ans. Michel Willekens se souvient d'un parcours scolaire chaotique. Bref, il avait fallu mettre l'enfant à l'internat. Son père n'a pas oublié le jour où son fils, ayant décroché son diplôme de fin d'études, vint à lui pour l'embrasser : "Merci, papa".
"J'espère qu'A. a du travail. J'espère qu'il est heureux."
Avec quelle tendresse Michel parle de leur deuxième enfant. "Après un garçon, je dois dire que j'espérais plutôt une fille. À l'époque, les papas patientaient dehors. À la naissance, l'infirmière accoucheuse m'a annoncé que c'était un petit garçon. Et puis je l'ai vue : une petite fille. Elle avait les yeux grands ouverts et sa petite langue, je me souviens, dépassait. Elle me manque. V. doit avoir 40 ans. Des enfants ? Et dire que je ne la reconnaîtrais pas si je la croisais en rue."
Troisième, également une fille : "Elle, vous ne me croirez pas, mais je ne l'ai jamais entendue pleurer. C'était la petite fille modèle. Je l'imagine institutrice de maternelle, toute frisée comme déjà enfant. Quel âge aujourd'hui ? 30 ans."
La suivante, A., aurait 24 ans : "Je dois vous avouer. Ce devait être en 1997 ou 98. J'étais SDF, assis sur un banc, à la place Flagey, pas lavé, pas rasé, mon sac sur le dos, un bonnet sur la tête. J'avais froid. Je devais sentir. J'ai vu ma fille A. qui marchait avec son petit frère, D. J'ai eu la honte. J'aurais pu marcher vers eux. Mais leur dire quoi ? Je suis votre père ? Je n'ai pas osé. Encore souvent je me dis : Et si j'avais osé ?".
D., le petit dernier, doit avoir 23 ans. Son père évoque des souvenirs heureux, ses premiers pas, ses premiers coups de pédales, le camping à Oostduinkerke.
Enfant de la guerre, Willekens a souffert des privations. Invalide reconnu à 66 %, il met un point d'honneur à ne rien laisser paraître. Il met un même point d'honneur à crâner. "C'est ainsi : la vie vous joue parfois de mauvais tours", fait-il, espérant qu'elle épargnera à chacun de ses enfants ce qu'il endure depuis ce maudit Noël de 1993. "J'espère qu'ils sont heureux en famille. J'espère que la vie ne les broiera pas comme elle m'a broyé. Je ne sais pas s'ils pensent parfois à moi. Je n'en sais rien. Je le suppose. Pour être franc, j'ai dû m'efforcer moi aussi de tourner la page. C'était cela. Tourner la page. Ou se suicider."Gilbert Dupont
Michel Willekens, divorcé, 64 ans, est père de 5 enfants, trois filles et deux garçons. Il ne les a plus revus depuis Noël 1993. (demoulin)
Date: 02/02/2008
Section: INFORMATIONS GENERALES
Sous Section: FAITS DIVERS
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